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tandis que vous, acheteur-consommateur, vous perdez toujours, lors même qu’il y a hausse, car vous avez accepté un prix doublé de prime, et vous recevez un classement qui, la plupart du temps, n’est pas de votre emploi. Si ces opérations aléatoires ne tournaient pas tout à l’avantage du premier vendeur, on ne s’engagerait pas aujourd’hui, le 3 juin, pour octobre à deux deniers au-dessous du cours, et les marchés d’Europe ne seraient pas assaillis d’offres fermes, en dépit de la masse des frais télégraphiques perdus que les trop confiants acheteurs doivent payer sans le savoir. Quant au commissionnaire européen, il ne risque rien de prêter son concours à ce commerce interlope, étant presque sûr de passer toute affaire au dos de l’un de ses bons amis, moyennant une commission et le reste.

Pour mieux illustrer la nature de ces tristes opérations, je ne puis me dispenser, en terminant, de citer quelques passages d’une lettre très-judicieuse que j’ai reçue dernièrement d’un Américain établi actuellement en Europe.

« En Amérique, dit-il, quelque chose d’analogue se produit. Les grands faiseurs, les vendeurs fermes, les acheteurs qui se prétendent commissionnaires, et qui annoncent des achats faits quand ils n’ont pas une balle ; qui, en un mot, spéculent à la baisse, au moyen des ordres qui leur sont transmis, — tous ces vendeurs de l’avenir se laissent quelquefois acculer, et puis, à un moment donné, ils croient tous à la fois les prix au plus bas point pour acheter, et les facteurs qui n’ignorent pas leur position, les voyant entrer dans le marché, remontent leurs prétentions, et peu à peu une hausse majeure s’établit en deux ou trois fois 24 heures. Les facteurs connaissent cela si bien, qu’ils font des différences suivant les acheteurs, et celui de ces derniers qui ne vend pas l’avenir fait en somme les meilleurs achats.

« Si la filature comprenait ses véritables intérêts, elle n’achèterait pas en Amérique ce qu’on lui offre ferme. À la longue, c’est elle qui en souffre, parce que ce sont ces affaires-là qui empêchent les baisses de se faire. Mais il est, je suppose, bien inutile de chercher à arrêter ce courant — il faut qu’il s’use, et alors on reviendra à l’ancien système. C’est l’affaire de quelques années à passer. »