Page:Bordier - Ambassade en Turquie de Jean de Gontaut Biron, baron de Salignac.djvu/113

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VOYAGE

ce même logis, et autres chez ses amis. Car il faut entendre que partout le pays de Levant, ne se trouve aucune hostellerie pour loger ni manger, comme sera dit en temps et lieu. Le lendemain 29, Mr l’ambassadeur fut visité de la plus part des principaux de la ville. Lesquels, après plusieurs complimants de part et d’autres, luy ofrirent toute assistance, le persuadèrent de séjourner quelque temps en Scio pour se rafreschir, à quoy Son Excellence ne fut trop discordant, tant pour nous remetre un peu du travail de la mer, dont plusieurs des nostres estoient opressés, que pour se voir en lieu si doux, plaisant et agréable, qu’au plus fort de l’hiver, il semble être un printemps pour la bonne température de l’air et la continuelle verdure des plaisants jardinages et autres lieux délectables, qui se voyent proche et autour la ville; de sorte qu’il n’y avoit nul de nous qui ne pensast estre parvenu au plus grand soulas et contentemant que l’on se pourroit figurer recevoir dans ses imaginares jardins fabuleusement racontés dans les Amadis de 6~M~6 (1), tant le séjour et repos nous estoit agréable, après sy long et fâcheux travail. Qui me fera donc en ce lieu faire un peu de pose pour reprendre haleine et reconoistre ce qui est de plus fameux en cette isle tant renommée. XI. DE L’ISLE DE SCIO ET CONTOURS D’ICELLE. De tous ceux qui ont escrit tant des terres fermes que des isles en général de la mer Méditerannée, je croy, ne se trouverra personne discourant de la très plaisante et délectable isle de Scio, qui ne luy donne à bon droit selon sa grandeur le premier lieu et (1) Ce roman obtint au xvr’ siècle un succès prodigieux. On croit généralement qu’il fut composé par un Portugais nommé Vasco de Lobeira natif de Porto, qui mourut en 1403. Ce fut après la bataille de Pavie que François 1~ captif lut ce livre. Dès qu’il eut recouvré sa liberté, il en fit faire la traduction par le sieur des Essarts. Le roman fut alors connu non seulement en Espagne et en France, mais encore en Italie, en Allemagne, en Angleterre et même en Hollande, après avoir été traduit dans l’idiome propre à chacun de ces pays. Des -Essaya croit qu’il fut composé par un Français, mais cette opinion n’est pas admise par les critiques les plus sérieux.