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30 septembre


Dans mon cœur, sombre abîme, où, sous le pont du doute,
A flots silencieux, coule l’impiété,
Où toute passion a son anxiété,
Où le rire poursuit ce que l’homme redoute,

Comme sur un rocher aride et culbuté,
Où jamais le chevreuil ne se suspend et broute,
Parmi les noirs débris de son épaisse croûte,
Au fond d’une profonde anfractuosité,

Depuis tantôt six ans une herbe humble et craintive,
Mais vivace, a germé. Son front est soucieux,
Sa tige est pâle et frêle. Elle souffre captive !

Pourtant, comme le chêne elle irait jusqu’aux cieux ;
Pourtant, si vous vouliez, de cette chétive herbe,
Madame, vous feriez l’arbre le plus superbe !