Page:Borel - Champavert, 1833.djvu/208

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Par un quai étroit et désert, deux hommes, un jouvenceau, un vieillard, allaient précédés d’un laquais portant un falot.

Quand je dis un quai, je ne suis pas exact ; car en ces vieux temps, clos par une double haie de maisons, la plupart des quais étaient semblables à des rues ; les soubassements des masures qui ourlaient la rivière trempaient dans l’eau ; suspendues sur pilotis ou fondées dans la vase, ces demeures amphibies avaient pignon sur voie et pignon se mirant aux flots, et par le bas un escalier de pierre, rampant et profond, qui descendait à l’eau comme une citerne espagnole, tantôt séparé du courant par un détroit de terre, tantôt inondé jusqu’à mi-degrés.

De combien de crimes ces pierres ont dû être témoin ! que de meurtres ont dû faire tressaillir ces murailles ! Enfer ! avec quelle aisance on se délivrait d’un ennemi, d’un rival, d’une femme abusée, d’un père vivace, on le poussait du haut de la montée, on ouvrait un châssis, tout était fait… Au plus, on entendait le bruit d’un corps tombant dans les flots dont le roulis étouffait le râlement. Oh ! si ces ruines confidentes parlaient !…