Page:Borel - Champavert, 1833.djvu/22

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Ce n’est qu’à leur abri que l’esprit se délie ;
Le barde ne grandit qu’enivré de besoin !
J’ai caressé la mort, riant au suicide,
Souvent et volontiers, quand j’étais plus heureux ;
Maintenant je la hais, et d’elle suis peureux,
Misérable et miné par la faim homicide.


MISÈRE


À mon air enjoué, mon rire sur la lèvre,
Vous me croyez heureux, doux, azyme et sans fièvre,
Vivant, au jour le jour, sans nulle ambition,
Ignorant le remords, vierge d’affliction ;
À travers les parois d’une haute poitrine,
Voit-on le cœur qui sèche et le feu qui le mine ?
Dans une lampe sourde on ne saurait puiser,
Il faut, comme le cœur, l’ouvrir ou la briser.


Aux bourreaux, pauvre André ! quand tu portais ta tête,
De rage tu frappais ton front sur la charrette,
N’ayant pas assez fait pour l’immortalité,
Pour ton pays, sa gloire et pour sa liberté.
Que de fois, sur le roc qui borde cette vie,
Ai-je frappé du pied, heurté du front d’envie,
Criant contre le ciel mes longs tourments soufferts
Je sentais ma puissance, et je sentais des fers !


Puissance,… fers,… quoi donc ? – Rien ! encore un poète
Qui ferait du divin, mais sa muse est muette,
Sa puissance est aux fers : – Allons ! on ne croit plus
En ce siècle voyant qu’aux talents révolus ;