Page:Borel - Champavert, 1833.djvu/346

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sonne n’a été plus sentimental que moi. — Plus le rêve a été grand et beau, plus le plat réveil est douloureux. — Hier j’étais sensible, aujourd’hui je suis féroce. — J’aimais de toutes les puissances de mon être une femme. Je croyais qu’elle avait pour moi de l’amour, elle me jouait ! Je la croyais candide, elle était vile et basse ! Je la croyais naïve, céleste, pure, elle était prostituée ! ô rage ! Et l’amour seul, l’amour pour cette femme me retenait en ce monde !

— Je conçois votre chagrin, mais tout cela n’a rien de grave. C’est une des mille aventures de jeune homme qui vous arriveront ; ne prenez pas l’habitude de vous tuer à chaque. Je ne vois rien là-dedans qui puisse vous entraîner au suicide. Je sais qu’une déception est souvent bien douloureuse ; mais un jeune homme, fort et penseur comme vous, doit surmonter de plus grandes adversités. Ceci n’est qu’un enfantillage, et si l’on doit revivre après cette vie de ce monde éteinte, assurément, vous seriez très honteux, quand vous auriez retrouvé l’existence et le sang-froid, de vous être sacrifié pour si bas et pour si peu.

— Comme je vous le disais tout à l’heure, ce