Page:Borel - Rapsodies, 1868.djvu/50

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Ce long tourment me ronge et me déchire,
M’abîme entier ! Que le sort m’est cruel !
Même aujourd’hui, riant de mon délire,
Pour retremper mon âme dans le fiel,
Il m’a fait voir un jeune ange du ciel.


Ah ! quel air ravissant, quelle voix langoureuse !
Sur ses pas gracieux j’aspirais le bonheur.
Je baisais son manteau d’une bouche amoureuse ;
Puis, ivre du parfum que jetait cette fleur,
Je sentais lentement s’épanouir mon cœur.


Que cet instant fut court ! hélas ! qu’horrible
Fut mon réveil ! je la cherchais en vain
De mon regard dévorant et terrible,
Elle avait fui… Rends-la moi, ciel d’airain !
Jette à mon cœur cette proie… il a faim !…


Mon dépit, ma fureur bouleversent mon âme ;
À mes désirs lascifs je voudrais tout plier :
Égaré par mes sens, j’irais… ah ! c’est infâme !
Arracher une femme au bras d’un cavalier,
J’arracherais !… mais, non, je ne puis m’oublier !


Désirs poignants, silence ! il faut vous taire.
De feux en vain je me sens embrasé,
Allons gémir sur mon lit solitaire ;