Page:Borel - Rapsodies, 1868.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Accompagnerais-tu d’une enfant angélique
                    La timide leçon ?
Si le rhythme est bien sombre et l’air mélancolique,
                    Trahis-moi sa chanson.

Non : j’entends les pas sourds d’une foule ameutée,
                    Dans un salon étroit
Elle vogue en tournant par la valse exaltée
                    Ebranlant mur et toit.
Au dehors bruits confus, cris, chevaux qui hennissent,
                    Fleurs, esclaves, flambeaux.
Le riche épand sa joie, et les pauvres gémissent,
                    Honteux sous leurs lambeaux !

Autour de moi ce n’est que palais, joie immonde,
                    Biens, somptueuses nuits.
Avenir, gloire, honneurs : au milieu de ce monde
                    Pauvre et souffrant je suis,
Comme entouré des grands, du roi, du saint office,
                    Sur le quémadero,
Tous en pompe assemblés pour humer un supplice,
                    Un juif au brazero !

Car tout m’accable enfin ; néant, misère, envie
                    Vont morcelant mes jours !
Mes amours brochaient d’or le crêpe de ma vie ;