Page:Borius - Corbeille du jeune age.djvu/15

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UN GROS CHAGRIN.



YAn a beaucoup de chagrin : son cheval Riquiqui est cassé. Pour comprendre toute l’étendue du chagrin d’Yan, il faut savoir ce que Riquiqui était pour lui : c’était un ami sûr qui, s’il ne donnait jamais de conseils, se gardait aussi de faire des reproches ; c’était un confident qui n’avait jamais redit les grands secrets qu’Yan lui avait confiés. Certes Yan aimait tous les chevaux : la grande jument qu’il menait lui-même à l’abreuvoir ; Tudy, un trotteur de premier ordre ; Cora, dont la fidélité avait été bien des fois mise à l’épreuve ; mais il les plaçait tous, sans hésitation, à cent pics au-dessous de Riquiqui, et c’est ce Riquiqui si aimé qu’il vient de trouver cassé. Aussi, sans fausse honte, lui qui veut être un homme, s’est-il mis à pleurer comme un enfant.

Sa petite sœur Josèphe, debout derrière lui, ne sait comment le consoler, car c’est la première fois qu’elle se trouve en présence d’une douleur aussi profonde ; elle offrirait bien ses deux sous, toute sa fortune, pour acheter un autre Riquiqui, mais sa délicatesse enfantine lui dit que l’argent ne console pas des vrais chagrins, et qu’un Riquiqui neuf ne remplacerait pas l’ancien ; elle embrasserait bien Yan, mais il n’aime pas les démonstrations trop expansives, et elle reste muette.

Alors moi qui passais, mon album sous le bras, cherchant depuis le matin un sujet pour mon prochain tableau, je m’accoudai à la fenêtre de cette ferme bretonne, et j’esquissai la scène si simple de ces deux enfants : Yan, si touchant dans son chagrin ; Josèphe, si éloquente dans sa compassion. Mais, malgré la promptitude de mon