UN FAMEUX COURRIER
U temps où le père et la mère Laurent étaient des petits
enfants, — ce temps-là remonte bien loin, — l’instruction
n’était pas obligatoire, aussi les gamins et les
gamines de l’époque restaient-ils dans une ignorance
que bien souvent ils déploraient plus tard. Sans doute, bien qu’il
n’eût jamais su ni lire ni écrire, le père Laurent n’en avait pas moins
été un brave homme, un bon menuisier, qui était arrivé, par son
travail, à élever son fils. Sans doute la mère Laurent, pour ne pas
être plus instruite que son mari, n’en était pas moins devenue une
bonne ménagère, courageuse à l’ouvrage ; mais il n’en était pas
moins vrai qu’en vieillissant, ils reconnaissaient qu’un peu d’instruction
n’est pas à dédaigner, et jamais ils ne regrettèrent autant
de ne pas savoir lire qu’au moment où leur fils unique, pris par le
service militaire, partit pour Madagascar.
C’était un bon garçon que leur Jacquik, et il leur écrivait le plus souvent qu’il pouvait ; mais combien il leur en coûtait d’être obligés de se faire lire ses lettres, et de ne lui répondre que par l’entremise d’un voisin complaisant !
Cette correspondance perdait forcément de son intimité : Jacquik, sachant que ses lettres passeraient sous d’autres yeux que ceux de ses parents, était moins à l’aise, et les parents, dans leurs réponses, narraient les événements du village, mais n’osaient pas toujours se laisser aller aux épanchements dont leurs vieux cœurs éprouvaient le besoin.
Et puis ce n’est pas tout ! dans les journaux on parlait de Mada-