Page:Borius - Corbeille du jeune age.djvu/38

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en le regardant, avait bien plutôt envie de pleurer que de lui raconter une gaie histoire qui n’attirait même pas son attention.

Mais quand la porte s’entr’ouvrit et que Louis et Georges, poussant la chèvre devant eux, firent irruption dans la chambre, le petit Marcel tendit les bras en avant et poussa un cri de joie.

Comme si Blanche-Neige avait conscience de la mission qu’on lui confiait, elle vint présenter sa bonne grosse tête aux mains tendues du bébé, puis, sans broncher, elle se laissa traire, et Marcel but un grand bol de lait, tout en tenant enlacée la jolie chèvre noire.

Un quart d’heure plus tard, le bébé et la chèvre-nourrice jouaient ensemble sur le tapis, et quand le bébé, fatigué de son jeu, dit à Blanche-Neige : « Dodo ! » elle se coucha à côté de lui, et servit d’oreiller à la tête blonde dont les boucles frisées se mêlèrent à sa toison.

— Il est sauvé ! se dit la maman de Marcel. Et elle embrassa Blanche-Neige entre les deux yeux, juste sur le flocon de neige.

Cependant, tout en remplissant le mieux du monde ses fonctions de nourrice, la chèvre n’oublia pas sa vieille maîtresse, et un jour qu’elle jouait sur la plage avec Louis et Georges, elle leur échappa, et courut à la hutte de la mère Rosa.

La bonne femme était assise près de son feu ; elle pensait à sa chèvre peut-être, et justement un petit trottinement qu’elle connaissait bien se fit entendre sur la route, la porte entre-bâillée s’ouvrit, et Blanche-Neige entra. Elle posa sa tête intelligente sur les genoux de la vieille, la regarda de son air si doux, et partit bien vite rejoindre les petits garçons qui la cherchaient tout inquiets.

Elle n’était pas restée longtemps chez la mère Rosa, mais sa visite voulait dire : « Je ne vous oublie pas. »

Et la vieille femme en fut toute réjouie.