Page:Bornier - Poésies complètes, 1894.djvu/101

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UNE PETITE BOURGEOISE

Timide, elle voyait, bourgeoises ou duchesses, D’autres femmes passer, belles de leurs richesses, La toisant d’un regard ironique et joyeux ; A défaut de leur voix, elle entendait leurs yeux, Tandis qu’un froid mortel envahissait son âme, Dire en se détournant : Pauvre petite femme ! Joie et chagrin, telle est sa part ; tous ont la leur. II

Voilà deux mois — le jour où Dieu dans le malheur Plongeait la France, avant l’honneur qu’il lui ménage — Un second fils naquit à ce pauvre ménage. La mère le voulut nourrir comme l’aîné ; Loin de Paris peut-être elle l’eût emmené, Mais le mari restait, et, noblement jalouse . La mère ne pouvait faire tort à l’épouse ; Elle resta. Ce sont ces humbles dévouements Qui plaident dans le ciel aux jours des châtiments ; Puisse donc la justice ou le courroux céleste Épargner ces cœurs bons et ce logis modeste, Car dans un temps d’ivresse, avant ce temps de deuil, Ce n’est que pour souffrir qu’ils ont .connu l’orgueil !

D’abord tout alla bien, rien ne manquait encore Le sacrifice même a sa charmante aurore !