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LE CERF 15

Mais enfin, vers le soir, s’il ne perd pas courage, Dans les taillis profonds où l’on n’entre jamais, Il aperçoit, au pied du mont le plus sauvage. L’eau vierge des glaciers qui descend des sommets ! Il s’y plonge, sa soif déjà se désaltère ; Le serpent meurt glacé par le flot abondant ; Et, rajeuni soudain par l’onde salutaire, Le cerf revient plus beau, plus fier et plus ardent. II

Ainsi, lorsque de nous s’éloigne la jeunesse, Quand notre âme pressent les tristesses du soir, La nature permet que notre cœur renaisse Et pour nous d’un tourment tait un dernier espoir ; Avec l’âge souvent les passions éteintes Se rallument en nous par un nouveau désir ; Infortuné celui qui fuirait leurs atteintes, Car le froid du tombeau va bientôt le saisir ! La véritable mort est dans l’indifférence, Dans l’égoïsme abject, dans le lâche sommeil ; La torture vaut mieux, meilleure est la souffrance, Quand le cri de douleur est un cri de réveil !