Page:Bornier - Poésies complètes, 1894.djvu/61

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PROMENADE 49

Pendant que le dandy s’égayait de la sorte Le poète cherchait, sous quelque plante morte, A lire un nom, plus loin, sur un marbre effacé ; Bien des jours, bien des ans peut-être, avaient passé Sur cet autre tombeau dédaigné, solitaire, Dont la dalle déjà s’effondrait dans la terre, Et l’avide lichen rongeait ce monument Triste et comme honteux d’un pareil dénûment. « — Ami, dit le poète, aide-moi donc, de grâce ! A déchiffrer ce nom : j’ai la vue un peu basse, Et les herbes, d’ailleurs, forment un tel tapis...

— Ce nom-là !... C’estle mien !... Magrand’mère !... — Tant pis !

Répondit le poète, oui, tant pis pour toi-même ! Ta longue raillerie était donc un blasphème, Et ta mère enviait peut-être, en t’écoutant, Celle de ce bourgeois dont tu te moques tant ! Tu supposes cet homme absurde, ignorant, bête, Mais sa mère endormie a des fleurs pour sa fête ! Et l’on serait heureux, malgré ton air moqueur, De donner mon esprit et ton or pour son cœur ! Il est mal de chercher, pour nos jeux misérables, Un côté ridicule aux choses vénérables ; Ce bon bourgeois t’amuse et tu ris de ses pleurs, Nous le trouvions grotesque avec son pot de fleurs, Et nous-mêmes, demain, on nous verra, peut-être, Dans quelque vil boudoir, qui connaît plus d’un maître,