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CHAPITRE V.

s’empare de la maladie avec un regard, mais qui détourne sa vue de ceux qu’il ne peut guérir et dont la mort est proche ; de beaux oiseaux parleurs, de la même famille que le perroquet de la reine de Saba, qui débitent les leçons d’une philosophie si simple et si persuasive, que les œuvres les plus sublimes des plus grands génies, parmi les hommes, n’ont jamais rien enseigné de semblable ![1] Ajoutez à ces précieuses merveilles tout le léger bagage des toilettes féeriques : de magnifiques écrins, où brillent, au lieu de diamants et avec des feux mille fois plus étincelants et plus limpides, des gouttes de rosée que l’art des fées a su cristalliser ; une collection de petites ailes de fées, souples et flexibles, parées d’une mosaïque à mille couleurs, pour laquelle ont été dépouillés les plus jolis insectes de la création ; des tuniques aériennes, tissées de ces filandres cotonneuses qui voltigent dans les airs, ou s’étendent sur les prairies, durant les belles journées de l’automne ; de mignonnes aigrettes, formées de ces globes duveteux qu’un souffle éparpille ; de folâtres écharpes que l’arc-en-ciel a teintes ; en un mot, tous les présents coquets de la nature, mis en œuvre avec de prodigieuses délicatesses de travail et d’art : tel est, en partie, l’inventaire de ce bazar féerique que l’imagination de nos lecteurs peut nous aider à compléter. Moins splendide encore que notre description ne l’a fait, il l’était trop cependant pour ne pas exciter l’envie dans un siècle où le désir était naïf encore et l’espérance crédule. D’ailleurs, les plus séduisantes insinuations invitaient chacun à fixer son choix. Mais, hélas ! il semble que toujours l’homme soit sacrilège en se saisissant du plus fragile bonheur ! Fasciné ou vaincu, quelqu’un des assistants avançait-il la main pour s’emparer de l’objet désiré, le perfide courroux des fées ne faisait point attendre sa vengeance : elles précipitaient du haut de la falaise le malheureux qu’elles avaient séduit !

  1. Le Roux de Lincy, Livre des Légendes, Introduction, Lég. rel. aux Pierres précieuses, aux Plantes, aux Animaux, p. 114 et suiv.