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CHAPITRE VII.

fortune, d’avenir, si ces entreprises lui paraissent dignes de sa coopération. Mais, qu’on le réclame pour un sujet qui ne mérite point son intérêt, ou qu’on le dérange pour un simple motif de curiosité, et le Nain rouge punira cruellement l’irrévérence de cette démarche inconsidérée. Informez-vous plutôt aux habitants de la vallée de Veulettes, ils vous diront que plusieurs de leurs compatriotes sont borgnes, boiteux, contrefaits, et qu’ils doivent ces infirmités aux mauvais traitements du Nain rouge. D’autres, plus heureux, ont su apprivoiser ce farouche lutin ; ceux-ci n’ont eu qu’à se louer de ses bons procédés : avec eux, il versait le vin à plein verre, était aimable, courtois et joyeux compagnon.

Les pêcheurs de la vallée de Palluel passent les nuits à veiller à la garde de leurs filets, tendus à ces savoureuses truites que recherchent nos gourmets les plus délicats. Cependant, cette précaution ne serait pas suffisante peut-être pour mettre ces pêcheurs à l’abri d’une attaque violente, si l’on ne savait que la plupart d’entre eux sont en communication avec le Nain rouge. La crainte qu’inspire le sévère lutin est une meilleure gardienne de leur pêche, que les armes qu’ils sont toujours prêts à diriger contre quiconque tenterait de s’en emparer[1].

À Dieppe et dans les environs, le Nain rouge est de même parfaitement connu. Un jour, deux pêcheurs qui allaient au fond du Pollet, aperçurent, en approchant du sommet de la côte, un petit garçon assis sur le bord de la route, et lui demandèrent ce qu’il faisait là. — Je me repose, dit-il, car je voudrais reprendre ma course jusqu’à Berneville (village situé à une lieue du Pollet). — Bien ! répliqua un des pêcheurs, vous pourrez venir avec nous ; c’est le chemin que nous suivons aussi. — Là-dessus, ils se remirent tous trois en marche. Chemin faisant, le petit garçon inventait mille espiègleries des plus risibles, pour amuser les pêcheurs ; si bien qu’ils se

  1. Notes communiquées par M. Fallue.