Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
139
LUTINS

repaître d’une hideuse proie. Ils sont d’un naturel très peureux, et s’avancent sous la prudente direction de leur chef qui est tout noir, le plus grand de la bande, et peut-être aussi le plus peureux ou le plus brave. Au moindre bruit suspect, il donne le signal de l’épouvante en se dressant sur ses pattes et en se mettant à hurler. Aussitôt, et sans calculer les chances du combat, tous s’enfuient en criant : Robert est mort ! Robert est mort ! Ce qui donnerait à penser que leur frayeur est stimulée par quelque souvenir tragique. On dit d’un homme timide : il a peur des Lubins !

Un autre démon, Fort-Épaule, semblable au Moine-Bourru de la Picardie, allait danser au clair de la lune dans les champs et les bois, et frappait rudement les passants[1] ! Si l’on s’en tient à la dénomination de cet étrange démon, il devait être plus terrible que tous les lutins ensemble ; mais ses mauvais tours sont aussi passés de mode dans notre siècle ! Si les Esprits ont jadis bafoué nos pères, il faut avouer que nous avons bien appris à leur renvoyer leurs insultes ; le plus simple et le plus timide d’entre nous est devenu un Fort-Épaule, et, devant notre génie incrédule, tout le cortège des puissances malfaisantes n’est plus qu’une bande dégénérée de Lubins !



  1. Contes du Gay-Savoir (Notes).