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TRÉSORS CACHÉS.

crédules à des alternatives terrifiantes. — N’en doutez point, vous diront les habitans des campagnes, tous les trésors sont gardés par des esprits malins, des démons, des nains, des fées. — Malheur, ajouteront-ils, à celui qui, le premier, porterait une main téméraire sur un trésor enfoui ! il mourrait sans rémission dans l’année[1]. — D’ailleurs, qui ne sait que tous les trésors qui ont passé cent ans en terre, appartiennent de droit au diable, qui les garde pour en faire part à l’Ante-Christ ? Sans cette précaution, où cet imposteur puiserait-il les richesses qu’il doit prodiguer à ceux qui le suivront ?[2] — Voulez-vous mettre un trésor à l’abri des ravisseurs ! Enterrez-le près d’un mort ; celui-ci en sera le dépositaire et devra le défendre. — S’il vous faut un gardien plus vigilant et surtout plus terrible, égorgez un malheureux ou un ennemi à l’endroit qui recèle votre or ; ce fantôme irrité, attaché désormais à ce poste sanglant, ne le quittera plus[3].

Chaque article de ce système, dont nous venons d’offrir un aperçu, prévaut et se diversifie suivant l’esprit des localités et la nature des traditions en vogue.

Dans les contrées, par exemple, où le merveilleux de la féerie fut long-temps en honneur, c’est à lui que se rattachent les opinions qu’on se forme sur les trésors cachés, ainsi que le témoignent plusieurs légendes célèbres. D’après la plupart de ces récits, qui se ressemblent au fond, et diffèrent seulement par quelques détails d’ailleurs analogues, la garde des trésors appartient à un esprit fée, à une enchanteresse, victime d’un pouvoir supérieur, et condamnée, pour une expiation quelconque, à habiter, sous une forme hideuse, les profondeurs d’un lieu souterrain. Si un mortel curieux ou égaré pénètre dans sa sombre demeure, elle se réjouit, court au-devant de ses pas, et se fait aussi piteuse, aussi suppliante que

  1. Mém. de l’Acad. celtiq., t. iv, p. 237.
  2. Le Loyer, Disc, des Spect., p. 367.
  3. Walter Scott, Rokeby, chant ii.