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CHAPITRE VIII.

vité. Tantôt il plane sur les ruines du château, tantôt il se repose sous les arbres séculaires de la forêt, ou sur trois énormes pierres brutes gisant à travers une avenue qu’on appelle, à cause de cela, le chemin de la Pierre-Levée. Quelquefois l’Homme blanc se transforme en dragon volant ou en globe lumineux, emblèmes de la divinité chez les Celtes. Lorsqu’il se montre sous forme humaine, sa taille est de six à huit pieds ; il est vêtu d’une longue robe blanche ; sa tête est aussi couverte d’un voile blanc, ou, quand elle est nue, sa longue chevelure d’un blond d’or flotte sur ses épaules, et une couronne de feuillage ceint son front. Au lieu d’une robe, il revêt quelquefois une peau de mouton d’une laine épaisse et très blanche ; sa main est armée d’un long bâton, en signe d’autorité. L’Homme blanc est paisible et inoffensif ; jamais son courroux ne s’allume que pour ceux qui attentent à son trésor. Gardien implacable, il est cependant, dans le cours de l’année, une heure d’exception où il doit abdiquer ses droits ; le jour de Noël, pendant la messe de minuit, tous les trésors sont affranchis de leurs gardiens ; le caveau de fer voit s’ouvrir ses portes formidables ; chacun peut entrer et puiser à son aise. Malheur, toutefois, à ceux qu’un désir avide retiendrait trop long-temps en ces lieux ! Aux dernières paroles du service divin, les portes du caveau se referment subitement, sans laisser passage à un gémissement, à un soupir[1]. La terreur qu’inspire l’éventualité d’une pareille catastrophe, n’a pas peu contribué à conserver la tradition des trésors du caveau souterrain ; par prudence, il vaut mieux croire que d’aller y voir.

Voici une variante assez singulière des histoires de trésors cachés sous les débris d’anciens châteaux : Dans la commune d’Appeville-Annebaut, canton de Monfort, près de Pont-Audemer, on voit encore quelques restes du magnifique château que le fameux Claude Annebaut, amiral de France sous François Ier

  1. Mém. de l’Acad. celt., t. iv, p. 456.