Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
162
CHAPITRE VIII.

du temps que Robert Guiscard y guerroyait. Cette statue avait la tête dorée, et ces paroles étaient gravées dessus : Aux calendes de mai, quand le soleil se lèvera, j’aurai la tête toute d’or. Robert Guiscard fut très intrigué par cette énigme qui semblait promettre une heureuse chance à sa fortune de conquérant. Il rassembla tous les savants du pays pour les consulter ; mais aucun d’eux ne put résoudre en quel sens l’inscription de la statue devait s’entendre. Un Sarrasin, prisonnier de Robert, s’offrit alors pour l’interpréter, à la condition qu’on lui rendrait la liberté sans exiger de rançon. Après avoir obtenu sa demande, il recommanda au duc Robert qu’on observât exactement, au premier jour de mai, la place où la tête de la statue projetterait son ombre, assurant que, si l’on fouillait en cet endroit, on trouverait ce que l’inscription avait promis. On obéit ponctuellement aux recommandations du Sarrasin, et l’on trouva, en effet, à deux ou trois pieds de profondeur, à la place désignée, de grands trésors enfouis, qui servirent beaucoup à Robert, dans ses guerres d’Italie[1].

À propos de ces trésors dont la destinée est liée d’une manière indirecte à l’histoire de la Normandie, nous rappellerons ici que ce fut pour s’emparer d’un trésor antique, découvert par un gentilhomme poitevin, que Richard Cœur-de-Lion se fit tuer devant Chalus. Il est vrai que la trouvaille valait la peine d’être réclamée ; elle se composait, suivant quelques historiens, de douze statues d’or, représentant un empereur, sa femme et ses filles, assis autour d’une table également d’or. Cet exemple, ajouté à tous les autres, de la fatalité qui s’attache aux trésors cachés, doit détourner de toute recherche occulte ceux à qui peut suffire la médiocrité du sage. Quant aux téméraires, ils ont pour eux la sentence du fabuliste, appuyée de quelques exemples encourageants :

Fortune aveugle suit aveugle hardiesse !

  1. Le Loyer, Disc. des spect., chap. 22, p. 465.