Le trou du Serpent n’a plus une grande profondeur, mais on assure qu’autrefois il s’étendait à plusieurs lieues à l’entour. Le terrain même, à ce qu’on prétend, résonne encore sous les pas, en différents points de la campagne. On ne doute pas que la caverne ne s’avance de tous ces côtés, et l’on assure qu’elle recèle de grands trésors.
M. Galeron a donné aussi une interprétation particulière de cette légende : « Elle peut, dit-il, rappeler une lutte entre deux religions sur ce point. Parmi les blocs de rochers, il en est un très éminent qui s’élève au-dessus de la demeure du serpent. D’autres fragments épars semblent les restes d’anciens dolmens brisés. Là, peut-être, étaient les monuments du culte de Teutatès. À deux cents pas, sur le roc opposé, s’élève l’église de Villedieu, dont le nom décèle une consécration chrétienne. Le serpent serait peut-être une image du culte profane ; la jeune fille que, suivant cette nouvelle tradition, on livrait à dévorer au dragon, serait un souvenir d’affreux sacrifices ; le chevalier, un symbole du culte triomphant.[1] »
Un autre chevalier normand, Turstin Citeau, dont l’histoire rapporte plusieurs traits magnanimes de courage, fut exposé à combattre un monstrueux serpent, et paya de sa vie la victoire qu’il remporta.
Ce brave chevalier avait été choisi pour capitaine par les premiers Normands qui entreprirent des excursions militaires en Italie, au commencement du onzième siècle. L’héroïsme et la sagesse qu’il déploya, dans ce poste, lui acquirent une brillante renommée ; mais ses alliés, les chefs des Salernitains, au lieu de lui accorder généreusement leur admiration et leur estime, s’emportèrent à une haine jalouse contre lui. Un acte de bravoure singulier excita surtout leur envie. Turstin Citeau sauva, un jour, la vie à une pauvre chèvre retenue prisonnière dans la gueule d’un lion qui allait en faire
- ↑ F. Galeron, Monum. druid. du départ, de l’Orne ; (Mém. de la Société des Antiq. de Normandie, années 1829 et 1830.)