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CHAPITRE XI.

les fêtes paroissiales, car ce miracle se renouvela en faveur de sa dévotion jusqu’au jour où il eut terminé la récolte du chanvre. Pour contenir la troupe espiègle et turbulente, il suffisait d’une simple herse de labourage, placée à l’entrée de la grange. Un seul oiseau, le martinet, s’échappait quelquefois, et sautait entre les dents de la herse ; mais, s’il faisait usage de son privilège, c’était par une petite gloriole très innocente ; il ne causa, en effet, aucun dommage au champ de chanvre, et n’essaya même pas d’en approcher.

On s’est toujours souvenu, depuis cette époque, de l’oiseau favori de saint Martin, et l’on a coutume, à chaque nouvelle récolte, de laisser sur pied, à son intention, le plus bel épi de chénevis[1].

On professe, dans nos campagnes, une sorte d’idolâtrie affectueuse pour le roitelet[2], que l’on appelle aussi Reblet, Racatin, et auquel on a donné de plus le surnom caressant et protecteur de petite Poulette au Bon-Dieu. C’est que le roitelet a rendu un bien important service à l’humanité. Il fallait un messager pour apporter le feu du ciel sur la terre ; le roitelet, tout faible et délicat qu’il est, consentit à accomplir cette mission périlleuse. Peu s’en fallut qu’elle ne devînt fatale au courageux oiseau, car, durant le trajet, le feu consuma tout son plumage, et atteignit jusqu’au léger duvet qui protégeait son corps fragile. Émerveillés d’un dévoûment si généreux, tous les oiseaux, d’un commun accord, vinrent chacun offrir au roitelet une de leurs plumes, afin de revêtir sa chair nue et frissonnante. Le hibou seul, en philosophe chagrin, se tint à l’écart, et refusa d’honorer, par ce faible don, un acte d’héroïsme qu’il n’eût point exécuté. Mais l’insouciance cruelle du hibou excita contre lui l’indignation des autres oiseaux, à tel point qu’ils ne voulurent plus désormais le souffrir en leur compagnie. Aussi est-il obligé de se soustraire

  1. L’Artiste, 3e série, t. II, p. 300.
  2. L’oiseau, dont il est question ici, est celui que les naturalistes désignent par le surnom de Troglodythe.