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SORCIERS, SORTILÈGES.

pule, peut-être, de tirer profit des erreurs et de la superstition du peuple.

Quoiqu’elle amenât toujours la réalisation de leurs vœux, la Messe du Saint-Esprit pouvait avoir, cependant, pour ceux qui la faisaient dire, des effets bien redoutables. Si l’on ne la faisait célébrer que dans un cas grave ; comme pour arriver à démontrer l’innocence d’une personne injustement accusée, rarement alors il en survenait quelque malheur ; mais, si l’on se servait de cette messe dans un but frivole ou profane, la providence punissait d’une manière cruelle ceux dont l’audacieuse imprudence traversait ses desseins. Nous en donnons pour exemple la petite histoire suivante, que nous racontons sur la foi des souvenirs d’une vieille femme :

Un jeune homme et une jeune fille de Rouen, élevés dans le même voisinage, avaient été fiancés l’un à l’autre. Ils s’aimaient depuis leur première enfance, et ils ne concevaient point d’espérance plus fortunée que celle d’unir à jamais leurs vies. Cependant, le jeune homme fut appelé au service militaire, et obligé d’aller tenir garnison dans une province éloignée. La tendre correspondance des deux fiancés ne subit aucune interruption pendant tout le cours de ces années d’absence. Enfin, l’époque où le jeune homme devait se trouver libre du service étant arrivée, la jeune fille se flatta qu’elle allait voir accourir vers elle, au plutôt, son cher exilé. Elle l’attendait de moment en moment ; mais, hélas ! plusieurs semaines, plusieurs mois ensuite se passèrent, sans qu’elle en reçût aucune nouvelle. Une année bientôt allait être écoulée ; l’inquiétude, l’impatience, le désespoir exalté de la jeune fille, loin d’être épuisés, redoublaient chaque jour de violence et d’intensité. Dans cet état d’angoisse, la pauvre enfant résolut d’aller trouver un moine capucin de sa connaissance, et de le supplier de lui dire une Messe du Saint-Esprit. Le bon père, touché de la douleur de cette intéressante fille, lui promit, sans trop s’enquérir du but qu’elle avait en vue, de célébrer à son intention la messe qu’elle