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POSSESSIONS.

mérite de porter une vue exacte sur cette affaire, et d’en tirer un jugement sain et concluant. Mais son opinion fut victorieusement controversée par le sieur de Lampérière et le sieur Maignart, tous deux médecins à Rouen, assez aveugles dans leur art et assez entêtés du surnaturel, pour ne vouloir pas reconnaître qu’il n’y avait probablement de réel, ainsi que l’affirmait Yvelin, dans les tourments des religieuses, que l’hystérie à laquelle ces femmes étaient en proie.

Les religieuses possédées étaient au nombre de quinze, presque toutes très jeunes ; en sorte que, et c’est un trait de plus ajouté à l’effronterie du rôle calomniateur qu’elles s’étaient attribué, elles avaient à peine connu Picard, et elles étaient encore, comme l’a remarqué même un défenseur de la possession, aux bras de leurs nourrices, lorsque David gouvernait le monastère. N’omettons pas la liste des noms bizarres que ces filles avaient choisis pour distinguer les démons dont elles se disaient possédées : C’étaient Putiphar, Léviathan, Dagon, Encitif, Arphaxat, Bohémond, Ramond, Béerith, Grongad, Gonzague, Accaron, Phaéton, Asmodée, Calconix, Arcelat. Nous avons dit, en somme, quelles révélations avaient été obtenues par les exorcismes ; il ne nous reste plus, pour l’intelligence complète des faits, qu’à ajouter quelques détails sur la conduite des énergumènes, et sur les actions qu’elles produisaient comme preuves de leur possession. D’après les enseignements du Rituel, les mouvements du corps, surpassant les forces de la nature, doivent être regardés comme un des premiers signes d’une véritable possession. Or, les religieuses de Sainte-Élisabeth ne voulurent pas que ce témoignage leur fit défaut. Soit par l’effet de la maladie chez quelques-unes, de l’imitation chez les autres, ou d’une révolte intérieure de l’ame, dont la violence réagissait sur ces corps fragiles, les prétendues possédées se livraient à toutes sortes d’agitations et de convulsions extraordinaires. Il leur arrivait souvent de se plier le corps jusqu’à mettre la tête près des talons, la bouche contre la terre, et le ventre élevé en