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POSSESSIONS.

demeurait dans un état complet d’insensibilité, endurant qu’on lui enfonçât des épingles dans la chair, sans témoigner aucune douleur. C’était sur cette fille que les médecins expérimentaient avec le plus de zèle et d’attention. Un jour qu’elle était dans ces syncopes habituelles, un des médecins présents lui présenta sous les narines un flacon de sel ammoniaque. Les larmes lui coulèrent aussitôt des yeux, et elle se réveilla fort courroucée. Cependant, comme elle ne voulait point avoir le démenti de sa supercherie, un instant après elle était retombée de nouveau en syncope ; mais, s’apercevant qu’on se préparait à lui administrer encore le même remède, elle se leva subitement et s’échappa des mains de ses persécuteurs, envoya les médecins à tous les diables, et les diables au fond de l’enfer, puis déserta la compagnie et retourna aux Landes. Ses compagnes, ne trouvant rien à faire de mieux, imitèrent son exemple.

L’évêque de Bayeux imagina cependant un nouveau moyen pour débarrasser les possédées. Il fit venir de Paris une espèce de thaumaturge fort en renom, le sieur Charpentier, qui se vantait de posséder le don des miracles. Celui-ci promit merveilles au sujet de la délivrance des possédées, et, cependant, deux mois s’écoulèrent encore en fausses manœuvres. Pendant ce temps, M. de Luynes avait achevé une tournée ecclésiastique dans son diocèse ; mieux éclairé à son retour, il chassa le fameux docteur hors du pays, et dispersa les possédées dans différentes communautés de femmes. Les diables mutins, se trouvant isolés les uns des autres, se déplurent de telle sorte qu’ils abandonnèrent leurs victimes ; grâces aux soins et aux bons exemples dont elles étaient entourées, celles-ci recouvrèrent bientôt la paix et la santé[1].

Les dénouements opposés de deux événements analogues,

  1. Le Pour et le Contre de la possession des filles de la paroisse des Landes, diocèse de Bayeux. À Antioche, chez les héritiers de la Bonne-Foi, à la Vérité, 1738, in-8. — Mémoire justificatif de la conduite du sieur Heurtin, curé des Landes, 1739, in-12.