Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/400

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
367
LÉGENDES RELIGIEUSES.

plation devant le vaisseau qui lui enlevait son bonheur, jusqu’à ce que la brume de l’Océan eut étendu un voile devant ses regards. Alors le chagrin la frappa subitement au cœur ; elle mourut ! On se fit un devoir d’ensevelir cette infortunée à la place même où son dernier soupir d’amour s’était exhalé. Les pêcheurs de la côte ont observé que, chaque année, le jour anniversaire de cette triste catastrophe, une blanche colombe vient errer le soir sur les genets de Tombelène, et ne s’envole que le lendemain à l’aurore.

À la suite des anciennes légendes que nous venons de raconter, nous trouvons relatés, dans l’historique du mont Saint-Michel, un grand nombre de miracles obtenus, pendant les derniers siècles, grâce à l’intercession du puissant archange. Comme ces miracles n’ont point de singularités qui leur soient propres, et qui les distinguent de tous les faits extraordinaires que l’on raconte, à propos des pèlerinages les plus renommés, nous ne les consignons point ici, afin de ne pas fatiguer l’attention du lecteur, et de ne pas surcharger sa mémoire de détails oiseux. Cependant, il est curieux de remarquer que saint Michel, sans doute à cause du poste important qu’il s’était choisi, non-seulement s’institua le gardien titulaire de la montagne qui lui était consacrée, mais encore la sentinelle protectrice de la France. Il défendait à outrance l’indépendance nationale de ce royaume contre ceux qui en ont été, de tous temps, les plus persévérants ennemis. Le mont Saint-Michel était devenu véritablement, pour les Anglais, Mons in procella maris ; car, chaque fois que, avec des intentions hostiles, leurs vaisseaux tentaient de s’approcher de la côte, le formidable archange soulevait une tempête qui les dispersait aussitôt. Lorsqu’une guerre redoutable était près de commencer entre les deux peuples rivaux, saint Michel, pour éclairer l’avenir d’un phare prophétique, illuminait, durant la nuit, le campanile de son temple d’une clarté plus resplendissante que la lumière du jour, et qui s’épanchait sur tous les lieux environnants. C’est surtout pendant le qua-