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SAINTS POPULAIRES.

poser être, en réalité, quelque moine du ixe ou du xe siècle[1]. Au reste, le récit que cet anonyme nous a légué, a droit d’occuper une place dans ce Recueil, tant à cause de son caractère fabuleux, de son origine traditionnelle, que par la grande célébrité qui lui est acquise parmi les Ébroïciens.

Saint Taurin naquit à Rome, sous l’empereur Dioclétien ; son père se nommait Tarquin, et sa mère Euticie. Tarquin était un ardent persécuteur des chrétiens, mais Euticie, secrètement dévouée à la religion nouvelle, suppliait le ciel de lui accorder un fils qu’elle pût consacrer au saint ministère des autels. Or, une nuit, un ange apparut à Euticie durant son sommeil, lui toucha les entrailles d’une baguette qu’il tenait à sa main, et qui se changea aussitôt en une belle, tige de lis, garnie de feuilles et de fleurs. Euticie tira bon augure de cette agréable vision, dont la promesse se trouva en effet justifiée par la naissance d’un enfant qui fut nommé Taurin.

Quand il fut parvenu à l’âge d’homme, Taurin fut remis par sa mère au pape saint Clément, qui le baptisa, et le donna pour compagnon à saint Denis l’Aréopagite. Ces deux apôtres se rendirent en mission dans les Gaules, suivis d’un grand nombre d’autres saints personnages. Dans le cours de leur prédication, saint Denis envoya saint Taurin aux habitants d’Évreux, en lui conférant la dignité épiscopale

La mission du nouvel évêque eut des prémices très glorieuses. Comme le pieux Taurin approchait de la cité à laquelle il apportait la sainte parole, le démon tenta de lui en défendre les portes, et, dans ce but, s’offrit à lui sous trois figures terribles et menaçantes : celles d’un ours, d’un lion et d’un buffle. Malgré ce triple déguisement, l’ennemi ne put résister aux armes spirituelles de notre apôtre. Saint Taurin, après sa victoire, fit son entrée dans la ville, et reçut l’hospitalité chez un nommé Lucius.

  1. Auguste Leprevost, Notice sur la Châsse de saint Taurin d’Évreux, p. 24.