Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/449

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
416
CHAPITRE XX.

le saint, à l’instant même où le coup fut porté, ramasser sa tête sanglante, et marcher, en la tenant entre ses mains, pendant une route assez prolongée !

On remarquera que, au lieu assigné à cette scène, c’est-à-dire sur les bords de l’Epte, un prêtre, du nom de Clair, avait subi déjà le martyre de la décolation, pour avoir enseveli le corps de saint Nicaise. Cette concurrence de noms et de faits, que présentent les deux légendes, donnerait à penser qu’elles n’ont eu en vue qu’un seul personnage, et qu’elles ne sont ainsi que des variantes d’une même histoire défigurée. Quoi qu’il en soit, l’ermite anglais l’a emporté de beaucoup en célébrité sur son homonyme ; si bien que c’est au premier seulement qu’il faut rapporter la généralité des images et des monuments érigés, en Normandie, sous l’invocation de saint Clair.[1]

Le culte de sainte Quitterie, répandu dans quelques paroisses de l’évêché de Bayeux et de l’évêché de Chartres, ne s’appuie aussi que sur une tradition confuse et incertaine. L’historien du diocèse de Bayeux affirme, cependant, qu’il existe des Actes de cette sainte, rapportés par Thomas de Truxillo, espagnol et religieux dominicain, dans le Trésor de ses sermons[2]. Mais, outre qu’il n’est pas bien prouvé que ces Actes se rapportent à notre sainte normande, plusieurs saintes de Portugal, d’Espagne et de Gascogne portant le même nom, les historiens ecclésiastiques n’en ont pas extrait d’autres détails que ceux que nous tenions déjà de la tradition. D’après ces données incomplètes, on sait seulement que sainte Quitterie naquit à Bayeux, sur la paroisse de Saint-Patrice, au temps de saint Exupère, et qu’elle souffrit le martyre dans un village du pays chartrain nommé Aufargis, où s’est maintenue une grande dévotion à son culte. C’est depuis ce lieu jusqu’à

  1. Trigan, Histoire eccl. de la province de Normandie, t. II, p. 201 et suiv.
  2. Hermant, Hist. du diocèse de Bayeux, prem. partie, p. 11.