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PERSONNAGES CÉLÈBRES.

la forêt, et se rendait au prochain village, afin de se pourvoir d’une corde pour son arc. Une vieille femme, qui se trouvait dans la maison où il entra, le salua, en lui demandant son nom : « Dame, je me nomme Henry, dit-il ; me voulez-vous épouser ? — Certes, répondit-elle, car, si je vous épousais, avant peu je serais reine d’Angleterre. » Là-dessus, Henry se prit à rire aux éclats, pensant que cette femme était folle ; mais, comme il retournait vers la forêt, il aperçut ses gens, en grande désolation, qui venaient à sa rencontre pour lui apprendre la mort du roi[1].

Le comte de Cornouailles, qui chassait dans une forêt, éloignée de deux jours de marche du théâtre de cet évènement, eut aussi, à l’heure fatale, révélation de la mort et de la condamnation du roi Guillaume :

Étant seul dans un carrefour écarté, le comte vit passer devant lui un grand bouc noir et velu qui emportait un homme noir aussi, tout nu et blessé d’une flèche à travers la poitrine. Le comte adjura le bouc, au nom de la sainte Trinité, de lui, expliquer ce que ce spectacle signifiait ? Le bouc répondit : « Je suis le démon, et j’emporte, par le jugement de Dieu, Guillaume-le-Roux qui, pendant sa vie, n’a cessé de tyranniser l’Église du Christ. »

Cette mort misérable amena, les jours qui la suivirent, un prodige qui frappa les esprits et saisit les cœurs d’effroi : On vit, dans le Berkshire, près de Fischam-Steed, du sang. sortir de terre en bouillonnant, puis, le ciel parut tout embrasé d’une flamme sinistre, pendant une nuit entière.[2]

Mais de semblables avertissements étaient réservés surtout à saint Anselme, pour l’assurer, dans son exil, que Dieu avait pris en main sa cause. Le bienheureux archevêque était venu de Rome à Marcigny[3], afin d’avoir une conférence avec le

  1. Roman de Rou, t. ii, p. 342. — Chroniques de Normandie.
  2. Matthieu Pâris, Grande Chronique, t. i, p. 215 et suiv.
  3. Marcigny-les-Nonains, sur les confins de la Bourgogne et du Bourbonnais.