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Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/489

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CHAPITRE XXIII.

geux ou mieux aimé peut-être que tous les autres, confessa à la princesse des Pistréiens que, sûr de son aveu, il ne reculerait devant aucun obstacle pour obtenir qu’elle lui appartînt comme épouse : elle ou la mort, c’était là son unique espoir. — « Hélas ! s’écria la noble damoiselle, vivement attendrie, c’est la mort seule que, dans cette course périlleuse, vous irez chercher pour fiancée ! Ne vaut-il pas mieux céder à la volonté de mon père, souffrir et nous aimer en silence ? — Mais je ne vous aimerais pas, répliqua résolument le chevalier, si j’étais capable de m’en tenir à cette langoureuse résignation. Une chance d’être heureux m’est offerte ; dangereuse ou non, je tenterai de me la rendre favorable. » La jeune princesse, admirant le noble dévouement de son amant, pensa qu’elle devait, au moins, le seconder de tous ses efforts. Aussi confia-t-elle au chevalier, avec l’empressement d’une espérance qui n’a point encore été mise à l’épreuve des déceptions, qu’elle connaissait un moyen infaillible de satisfaire, sans péril, à la cruelle exigence de son père. « J’ai une tante, ajouta-t-elle, qui habite Salerne, la ville privilégiée de la magie et de la science. Cette noble dame possède, à fond, l’art de la médecine ; allez la trouver de ma part : je suis persuadée que, en considération de l’amitié qu’elle a pour moi, elle vous composera un élixir assez puissant pour doubler vos forces, et vous permettre d’effectuer, sans trop de fatigue, le trajet si difficile qu’il vous faut parcourir. » L’amoureux chevalier fit quelque résistance pour obéir à cet ordre de sa dame : le voyage qu’il allait entreprendre retarderait le moment où il lui serait permis de la conquérir. Cependant, il finit par se rendre aux instances pressantes et réitérées de son amie ; car, par une naïve superstition d’amour, il s’imaginait qu’il s’attirerait quelque grave malheur, s’il refusait de se soumettre au désir qu’elle avait formellement exprimé.

Notre chevalier se met donc en route ; son voyage est aussi prompt, aussi heureux qu’il était possible de l’espérer. Pas n’est besoin d’ajouter que la tante écouta favorablement la