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CHAPITRE XXIII.

reine Mathilde, dont le caractère inoffensif et bienveillant lui était trop connu, pour qu’il pût être excusable de l’avoir suspecté. Ce monument a été détruit par les Calvinistes, en 1562 ; reconstruit dans la suite, il a été abattu de nouveau en 1793.[1]

Les deux communes de Notre-Dame-de-Préaux et de Saint-Michel-de-Préaux formaient primitivement une seule circonscription, sous le nom de Pratellum. C’était là le domaine d’un seigneur franc, que des guerres lointaines appelèrent hors de son pays. À son retour, un bruit injurieux lui fit concevoir des soupçons sur la fidélité de sa femme. Sa colère jalouse ne lui permit pas d’examiner les motifs de l’accusation : il condamna aussi la prétendue coupable à être attachée à la queue d’un cheval vigoureux et emporté. Plus tard, il se repentit de son crime, et, pour tâcher d’en obtenir le pardon, il fonda le monastère de Préaux, et s’y consacra, le reste de ses jours, à la pénitence[2]. Une chapelle fut érigée à la place même où l’on avait retrouvé le cadavre de la victime.

Les religieuses de Saint-Léger-de-Préaux désiraient, à ce qu’il paraîtrait, participer à cette tradition, où, suivant elles, la fondation de leur abbaye aurait dû se trouver aussi indiquée. Pour arriver à cette fin, elles avaient donné, à la fable précédente, un tour tant soit peu vulgaire, mais non moins con-

  1. Vaultier, Recherches sur l’ancien doyenné de Vaucelles. (Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, IIe série, t. ii, p. 47.) — Huet, Origines de Caen, p. 115. Matthieu de la Dangie de Rauchy, religieux bénédictin, a réfuté très solidement cette fable des excès de Guillaume contre sa femme, dans un écrit publié sur ce sujet. Une autre version, que nous avons négligée, comme tout-à-fait en désaccord avec les faits de l’histoire, voulait rattacher, à ce trait de la vie de Guillaume, la fondation des monastères de Saint-Étienne et de la Sainte-Trinité de Caen.
  2. Il est évident, dit M. Canel, à qui nous empruntons cette tradition, que cette origine franque du célèbre monastère de Préaux est fabuleuse. Néanmoins, cette abbaye existait dès une haute antiquité, puisqu’elle est mentionnée dans le testament d’Anségise, abbé de Fontenelle, mort en 883.