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ROBERT-LE-DIABLE.

Lors escout le bras et le poing
Sespee rue de lui moult loing[1].

Cette péripétie de notre légende est la dernière où la duchesse Inde joue un rôle ; mais l’on a pu remarquer déjà que le caractère de ce personnage est tracé avec beaucoup de naturel et d’intérêt : femme inconséquente, mère dévouée, Inde s’est approprié quelque chose de ces deux types divins, dont l’un résume la femme dans sa faiblesse, et l’autre dans sa gloire : Ève et Marie.

Cependant, Robert essaie de se relever de l’affaissement de son désespoir ; si la fatalité pèse sur lui, ce n’est pas, du moins, la fatalité aveugle et implacable qui régnait sur le monde ancien ; à celle-ci, le christianisme a opposé une puissance toute salutaire : la grâce miséricordieuse !

Robert se résout donc à la pénitence, mais sa conversion est d’abord tout aussi insensée que ses crimes : notre héros débute, en effet, par un acte de prosélytisme suffisamment brutal ; il va trouver ses anciens complices, et les presse, à son exemple, d’abjurer leurs crimes et d’en implorer le pardon. Ceux-ci, peu préparés à entendre une semblable homélie de la bouche de Robert, lui répondent en le raillant, et en jurant de le surpasser encore en cruautés et en désordres. Robert, outré, les assomme alors les uns après les autres, avec une grosse massue qu’il tenait à la main. L’éloquence de notre héros n’était plus méconnaissable !

Le nouveau converti s’achemine vers Rome pour obtenir du pape l’absolution de ses péchés. Après qu’il s’est déclaré le fameux Robert-le-Diable, dont le surnom est en horreur dans tous les pays, le saint père, émerveillé de ses dispositions repentantes, lui commande d’aller trouver un pieux ermite qui entendra sa confession et lui imposera la pénitence par laquelle il peut obtenir d’être déchargé de ses crimes et délivré des influences maudites qui le subjuguent. Robert

  1. Roman de Robert-le-Diable, p. 6, col. 1.