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CHAPITRE II.

moire de son libérateur, transporte la dépouille mortelle de celui qui fut Robert-le-Diable, dans l’église de Saint-Jean-de-Latran. N’oublions pas d’ajouter qu’un grand nombre de miracles s’opérèrent sur le tombeau de notre héros, et confirmèrent, en dernier lieu, sa canonisation.

On ne saurait le dénier, ceci est une conclusion qu’un auteur chagrin a pu imaginer à titre d’œuvre pie, dans une velléité de dévotion, mais contre laquelle eût protesté la foule immense des spectateurs qui applaudissait aux bizarres représentations des Miracles. Et, puisqu’il est vrai que le sentiment populaire sait se faire l’interprète des décrets divins, d’accord avec le dénouement du drame, nous laisserons à Robert sa jeune et belle épouse, qui doit symboliser pour lui tous les charmes d’une vie purifiée !

Au reste, quelle que soit la terminaison adoptée pour cette légende, comme, de toute façon, elle demeure parfaitement exemplaire, il y avait lieu d’espérer que les crimes de Robert, atténués dans la mémoire du peuple, n’y laisseraient d’autre impression que l’étonnement et l’édification d’une conversion miraculeuse. Cependant, il n’en a point été ainsi. Malgré la destruction complète du château de Thuringue, le nom de Robert-le-Diable, comme un épouvantail sinistre, est resté attaché à plusieurs demeures ou plusieurs ruines féodales, parmi lesquelles nous citerons le château de Moulineaux. C’est là que, sous l’image d’un loup efflanqué, et grisonnant au point de ne plus avoir que la couleur terne et l’aspect effrayant d’une ombre, Robert-le-Diable vient errer la nuit au milieu des murailles abattues, où son apparition demeure un objet de terreur et d’embûches pour quelques-uns de ces pieux Normands qui ne savent point renier les superstitions de leur pays[1].

  1. Le château de Moulineaux, dit le château de Robert-le-Diable, est situé à quelques lieues de Rouen, sur une haute colline qui domine la rive gauche de la Seine. Il ne reste plus de cette ancienne forteresse que des vestiges de murailles en maçonnerie, dont les pierres se déracinent une à une chaque jour. Mais, jusqu’à ce que le dernier pan de