Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
RICHARD SANS-PEUR.

veilleuses attribuées à l’un ou à l’autre de ces deux personnages. Le caractère analogue de ces traditions bifurquées indique qu’elles sont issues de la même source, et qu’elles ont des titres égaux pour se recommander à l’intérêt du lecteur.

Nous avons signalé déjà la différence existant entre la généalogie fabuleuse du roman et celle de la Chronique. Selon l’une, Richard Sans-Peur serait le frère, et, selon l’autre, le fils de Robert-le-Diable ; mais, fils ou frère, Richard continue dignement son prédécesseur, sous le rapport de l’héroïsme religieux, et même avec un progrès logique, qui donne à son caractère une signification tranchée et énergiquement complète.

Quelle que soit l’origine qu’on veuille leur supposer, on doit admettre que nos deux héros sont issus d’une race de conquérants : toutes leurs paroles et leurs actions témoignent d’une audace que la totalité n’a jamais domptée. Nous avons vu, cependant, comment ces natures farouches pouvaient être asservies ou du moins terrifiées par l’autorité religieuse. Le roman de Robert-le-Diable est un épisode de cette lutte du christianisme contre la barbarie, et déjà s’y manifeste, d’une manière redoutable, la prépondérance de l’église.

Dans le roman de Richard Sans-Peur, la situation s’est mo-

    au plus tard, quoique le style et l’orthographe semblent annoncer une époque antérieure. Le roman de Richard Sans-Peur est écrit en stances de quatre vers monorimes. Mis en prose sous le titre de Roman de Richart-sans-Paour, filz de Robert-le-Diable, il fait partie des contes de la Bibliothèque bleue. Nous le retrouvons en compagnie du roman de Robert-le-Diable, dans l’édition de J. Castilhon. Là, comme son père Robert-le-Diable, Richard Sans-Peur est poursuivi par la vengeance de la fée Minucieuse ; le démon Brundemor est représenté par le mauvais génie Brudner ; Burgifer s’est transformé en un génie de second ordre, appelé Nazomega. Pour livrer combat à Richard, Nazomega fait choix d’une monture d’invention fort originale : c’est une écrevisse, qui, depuis la tête jusqu’à l’extrémité de la queue, avait une toise et demie, et dont les antennes avaient quinze pieds ; l’armure de Nazomega était d’un cristal de roche très poli.