Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/296

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croire seuls : il n’y avait avec eux qu’un couple placé à l’autre extrémité, et qui sommeillait.

Une vive intuition fit comprendre à Cécile qu’elle était à l’une des heures décisives de sa destinée. Elle demanda à Félicien si leur rencontre était due au hasard. Il avait résolu d’abord de ne s’expliquer qu’à Rouen, en reconduisant son amie de la gare à sa demeure ; mais les circonstances étant plus favorables qu’il ne l’avait espéré, il lui exprima son désir d’avoir le lendemain un entretien confidentiel avec elle. Et comme il lisait sur son visage quelque embarras, il ajouta que la réalisation de ce désir, facilitée par madame de Nerville, ne tenait plus qu’à son consentement.

Il lui rappela la soirée de Nancy, en se plaignant que, depuis ce jour, ils n’eussent point eu une heure de libre intimité. Cécile l’écoutait sans mouvement, presque sans souffle, immobile et pourtant agitée, glacée et fiévreuse. Elle était subjuguée par deux émotions contraires : une terreur invincible qui faisait passer dans ses veines le froid de la mort, un bonheur inouï qui amassait sur son cœur un poids brûlant dont la douceur l’écrasait, comme un