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me paraît pas le représentant du siècle, mais seulement celui de la jeunesse d’une certaine génération qui ne doit plus se reconnaître elle-même, parce qu’elle est parvenue à la maturité.

— Moralement, les femmes ne vieillissent pas si vite que les hommes, et celles qui ont aimé Alfred de Musset, il y a dix ans, peuvent l’aimer encore.

— Sans compter une autre raison, reprit Félicien. L’inspiration d’Alfred de Musset vient d’une sensibilité nerveuse qui est le principal élément de la nature des femmes. Ce qu’il excelle à peindre, c’est le vertige qui saisit l’âme lorsqu’elle parvient au comble de la passion, ce vertige qui fait chanceler le bonheur, qui enivre le désespoir, et qui, suivant l’inconsistance ou l’énergie de l’être dont il s’empare, engendre la fantaisie, l’humeur, les caprices, les mouvements désordonnés et les fureurs des sentiments extrêmes.

Adrienne entendait ce dialogue ; mais, qu’elle l’écoutât ou non, elle continuait son travail avec le plus parfait désintéressement.

— Laissez là vos dessins, dit Cécile à Félicien, et lisez-nous une de ces ravissantes poésies.