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SES INSULTES.

crimes établis contre lui, s’il voulait les rejeter tous ou en excepter seulement quelques-uns, par écrit et de vive voix, il éclata en injures, et répondit avec hauteur et fierté qu’il n’avait rien à dire sur de telles choses, que d’ailleurs l’évêque et le vice-inquisiteur n’étaient pas ses juges et qu’il en avait appelé de leur tribunal. Ce langage était rempli d’une insolence, et d’un mépris habituels chez un homme impatient de tout frein, accoutumé plus à commander qu’à obéir ; même sous le pied qui l’écrase, le dangereux reptile se redresse et cherche à mordre. Bientôt, ne pouvant ni cacher ni contenir la colère qui l’agite, il se répand en injures et en paroles grossières : il s’écrie que ni l’évêque, ni l’inquisiteur, ni les autres ecclésiastiques ne sont ses juges ; il a honte (ô pudeur !) de paraître devant eux : « Simoniaques ! ribauds ! s’écrie-t-il, vous, mes juges ? plutôt que de répondre à de tels ecclésiastiques et à de tels juges, j’aimerais mieux être pendu par le cou à un lacet ! » En vain Jacques de Pencoetdic, official de Nantes, en vain Geoffroy Pipraire, doyen de l’église Sainte-Marie de Nantes, délégué par les juges pour aider le promoteur, lui relisent et lui exposent quelques-uns des articles de l’accusation : Gilles les fatigue l’un après l’autre par ses emportements et ses insultes ; à toutes les assertions, il oppose les démentis les plus outrageants ; à chaque mot qu’ils disent, il redouble de fureur. De guerre las enfin, il s’adresse à l’évêque de Nantes et lui dit en langue vulgaire : « Je ne ferois rien pour vous comme evesque de Nantes. » À cette scène violente, un grand tumulte s’élève dans la salle : mais le promoteur demeure impassible sous ces éclats de colère ; il insiste avec énergie : il prie les juges, pour la seconde fois, de demander au baron s’il veut répondre à l’accusation de vive voix ou par écrit, et s’il désire qu’il lui soit assigné un jour pour présenter sa défense : « Je vous dis encore une fois, réplique le maréchal, que je n’ai rien à répondre. »

Pour forcer cette obstination orgueilleuse, le promoteur redouble ses attaques autour de lui : les juges le somment