Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/426

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
403
LA LÉGENDE DE SAINTE TRIPHINE.

dans les souvenirs populaires, je ne sais quelle parodie de la légende, parodie dont les traditions ne parlent même plus, serait, comme nous l’avons dit, peu logique ; mais il serait grotesque de prétendre qu’il a été inspiré par les fresques de Saint-Nicolas « qui n’étaient peut-être pas alors badigeonnées » ; à moins que le conte ait pu venir de peintures qu’il a précédées de sept ans, et que le conteur ait pu admirer des fresques qui ont été faites l’année d’après sa mort.

Mais si Charles Perrault ne doit rien au peintre breton, le peintre breton ne devrait-il point quelque chose à Charles Perrault ? En 1704, Charles Perrault était mort depuis un an ; depuis sept ans, son Barbe-Bleue était dans toutes les mains et dans toutes les imaginations : est-il si étonnant, dès lors, que la légende pieuse, dans l’esprit de l’artiste, ait revêtu la forme dramatique du conte profane ? J’oserai même dire que c’était naturel dans un pays où tout mari, qui tue sa femme, passe pour un Barbe-Bleue et en reçoit le nom ; à une époque surtout où le conte de Perrault avait une immense vogue ; et il faut convenir qu’ainsi présentée, la légende de la sainte offrait des tableaux plus saisissants, un plus vif attrait par conséquent pour le goût et les pinceaux de l’artiste. Voilà pourquoi, sans doute, par une fantaisie qui reste inexplicable autrement, le peintre, à part le dernier tableau, a tout pris en dehors de la légende véritable des Grandes Cronicques d’Alain Bouchard. Mais, après avoir longtemps exercé son imagination, l’artiste paraît s’être souvenu qu’il était temps de sortir du conte pour rentrer dans la tradition, et, pour ne pas faire une œuvre applicable à toute autre sainte qu’à sainte Triphine, lui donner la marque de la légende en faisant intervenir saint Gildas. C’est par ce sentiment que, vers la fin, il s’est trouvé tout à coup d’accord avec le pieux récit des historiens, après en avoir été éloigné dès le commencement, et qu’il s’est détaché du conte de Barbe-Bleue, après l’avoir suivi presque pas à pas.

Ainsi donc, pour conclure sur ce point, il y a bien peu de ressemblances entre la légende de la sainte et le conte du