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GILLES DE RAIS, BARBE-BLEUE.

terrible seigneur ; Charles Perrault n’a pu s’inspirer de cette légende à la vue des fresques de Saint-Nicolas ; enfin, il paraît plutôt vraisemblable que c’est à l’œuvre nouvellement parue de Charles Perrault que le peintre doit l’idée de la plupart de ses tableaux. De l’erreur que nous avons réfutée, il y a cependant une lumière à tirer : elle nous vient d’un détail curieux que Perrault n’a pas conservé dans le conte et que l’artiste cependant a reproduit dans les fresques : les sept femmes mises à mort par Barbe-Bleue. Si elle était nécessaire, ce serait une preuve nouvelle que Charles Perrault n’avait point vu les peintures de Saint-Nicolas, car il aurait inévitablement gardé ce trait ; mais il n’est peut-être pas moins évident aussi que le seul conte de Charles Perrault n’a point conduit la main du peintre, puisque ce trait ne s’y trouve pas. Il faut reconnaître cependant qu’un détail si précis ne s’invente pas, et que, fût-il sorti de l’imagination de l’artiste, il ne se serait pas propagé dans le monde entier, comme il l’est. Non, il était dès lors dans tous les esprits ; et voici qu’il nous ramène sur la trace du conte primitif, qui existe encore à côté de celui de Charles Perrault, de ce conte que nous retrouvons partout, à la poursuite duquel nous sommes et dont ce détail est le trait le plus caractéristique et le plus universellement répandu : à tout le monde, le souvenir de Barbe-Bleue rappelle celui de ses sept malheureuses femmes.

Jusqu’ici, comme on le voit, tout est hasardé, et bien timide. À ces suppositions, à ces timidités, nous opposons hardiment des traditions constantes, universelles, unanimes, prises aux sources les plus sûres de la vérité, les récits populaires. Car, si Ogée, qui rapporte souvent les traditions locales, ne parle pas du nom de Barbe-Bleue appliqué à Gilles de Rais, mais seulement du souvenir ineffaçable qu’il a laissé dans nos campagnes, il ne faut rien conclure de son silence. Il serait peu logique, en effet, de prétendre sur cette raison, comme M. A. Guéraud, que le peuple ne le désignait pas sous ce nom dès cette époque ; rien ne prouve,