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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/126

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MYSTÈRE DU SIÈGE D’ORLÉANS.

cette foule immense, le protecteur du théâtre et de tous les artistes. Ailleurs, les municipalités, les villes, les populations, se cotisaient entre elles pour donner une représentation ; lui, les prodiguait sans qu’il en coûtât un seul denier aux spectateurs ; car, dit le Mémoire plus haut cité, il faisait souvent jouer mystères, farces, moralités, moresques et personnages. Ailleurs, la vue du spectacle et les plaisirs devenaient une charge pour les assistants ; lui, voulait qu’ils fussent non seulement gratuits, mais encore que le peuple y trouvât à discrétion mets recherchés et vins fins. À lui, le théâtre, le décor, les acteurs, les costumes ; la foule se gaudit à ses dépens : peu lui est à souci ; car son orgueil est satisfait, et en ce genre encore, sa renommée n’a point d’égale, puisqu’il ne la partage avec personne.

De tant de choses qui pouvaient le flatter, celle qui lui fait le plus d’honneur est la place qu’il tient dans le Mystère du siège d’Orléans. C’est le moment de parler de cette œuvre remarquable par bien des côtés. En effet, Gilles de Rais joue dans ce drame, près de Jeanne d’Arc et dans la délivrance d’Orléans, un rôle honorable et important ; de plus, quelques auteurs ont avancé, avec beaucoup de vraisemblance, que Gilles le fit représenter lui-même ; enfin ce mystère, d’un mérite tout historique[1] jette une grande lumière sur son dévouement à la cause et à la personne de la Pucelle. Dans l’intérêt même de cette étude, on nous saura donc gré de nous y arrêter quelques instants  [2].

  1. La valeur historique de ce poème a été établie d’une façon aussi décisive qu’inattendue par l’illustre M. Quicherat : « La valeur historique de cet ouvrage est nulle, dit-il, non parce que l’auteur s’est éloigné de l’histoire, mais au contraire parce qu’il l’a suivie de trop près. La pièce n’est autre que le Journal du Siège, avec une exposition dont l’idée est empruntée à la Chronique de la Pucelle. » M. Vallet de Viriville et MM. Guessard et de Certain ont démontré que ce poème n’est une copie ni du Journal du Siège ni de la Chronique de la Pucelle ; d’où ils prétendent, avec raison, que de la conformité de ces documents il faut seulement tirer une nouvelle preuve de la véracité historique des uns et des autres (Préface du Mystère). M. Wallon (t. II, p. 438-439), et M. Petit de Julleville (t. II, p. 578), sont du même sentiment.
  2. Ce serait un hors-d’œuvre que de refaire ici l’histoire du manuscrit de ce mystère et de sa publication. L’unique manuscrit qui existe est conservé à la