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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/154

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ALCHIMISTES ET MAGICIENS.

des paroles de moquerie et d’incrédulité à l’adresse des opérateurs[1] : ils pensèrent donc à trouver une nouvelle manière de l’amuser. Gilles était allé trop loin dans la poursuite de ses espérances pour se montrer difficile ou hésitant sur les moyens de les ressaisir et de les réaliser : « Non quibus modis id assequeretur, dum sibi pararet, quidquam pensi habebat[2].  » De l’alchimie, ils le firent donc passer de plain-pied dans la magie.

Beaucoup s’étonnent aujourd’hui qu’on ait accusé les alchimistes d’avoir été en même temps magiciens ; ils ne croient pas qu’il y ait eu beaucoup d’évocateurs des démons parmi les alchimistes : nous sommes convaincus du contraire. Plus d’un Paracelse faisait usage d’évocations des êtres surnaturels, ou en recommandait la pratique aux initiés. Nous dirons tout à l’heure les relations nécessaires qui devaient exister entre la magie et l’alchimie : l’amour immodéré de l’or unissait trop étroitement ces deux moyens de l’acquérir, pour qu’ils n’aient pas été pratiqués ensemble. Beaucoup de savants, assurément, résistèrent à la dangereuse et folle tentation qui en entraîna d’autres dans les secrets ténébreux de la magie ; car personne n’oserait accuser d’un pareil crime un Gerbet, un Raymond Lulle, un Alain de Lille, un Albert le Grand, et tant d’autres saints personnages du moyen âge. Mais le procès de Gilles de Rais et de ses complices prouve que trop souvent la magie était la funeste conséquence de l’alchimie. Parmi les alchimistes, qui affluaient à la cour de Gilles, presque tous cultivaient à la fois les deux arts : Antoine de Palerne, François Lombard, du Mesnil, Prélati. Les livres dont ils se servaient contenaient les règles de ces deux sciences. À Florence, comme nous le raconterons bientôt, lorsque Eustache Blanchet fit la connaissance de François Prélati et qu’il chercha à sonder le mystère de sa vie, il commença par lui demander s’il connaissait le grand art de l’alchimie, pour s’enquérir ensuite

  1. Proc. ecclés. — Conf. de Blanchet, P. LXXVII.
  2. Salluste, Catilina, ch. v.