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GILLES DE RAIS.

la rivière où il se noya, sans le moindre secours du diable, son maître[1] ; un autre alla de vie à trépas dans les jours mêmes qui précédèrent son arrivée. Devant ses juges, Gilles se réjouissait plus tard de ce que Dieu n’avait pas permis qu’ils vinssent jusqu’à lui, ou du moins qu’il pût se livrer avec eux aux crimes qui lui étaient habituels ; rendant à Dieu et à l’Église catholique grâces d’une faveur dont il était évidemment redevable, disait-il, à la miséricorde de l’un et aux supplications de l’autre[2].

Mais s’il montra tant de repentir devant le tribunal, il faut croire, à en juger du moins par la fureur avec laquelle il se lança dans le crime avec d’autres évocateurs, qu’il ne supporta pas ces contre-temps avec la résignation chrétienne dont il fit étalage devant la cour ecclésiastique de Nantes. Car en voici qui sont arrivés sains et saufs : voici le trompette Du Mesnil ; voici Jean de la Rivière ; voici un nommé Loys ; voici un quatrième dont il ignore même le nom, tant furent nombreux les évocateurs qui vinrent par devers lui ! tant il s’inquiétait peu de leur personne, pourvu qu’ils fussent tels qu’il les voulait, habiles dans leur art et riches en promesses ![3]. Voici enfin, parmi tous les autres, Antoine de Palerme. Ils sont décidés à tout entreprendre, et leur puissance ne se mesure qu’aux ordres de leur nouveau maître, qui ne connaît point de bornes à ses désirs. Lui-même nous a laissé les détails des scènes de magie dont il fut l’inspirateur : c’est donc surtout à la lumière de ses propres aveux que nous allons les décrire.

À quelque distance de la ville et du château de Tiffauges[4] s’étendait un grand bois : la solitude profonde et mystérieuse du lieu invitait Jean de la Rivière, un de ces magiciens qu’Eustache Blanchet lui avait amenés de Poitiers, à le

  1. Proc. Civ., fo 405, r<>. — Proc. ecclés., Conf. de Gilles, p. LVII.
  2. Proc. ecclés., Conf. de Prélati, p. LXX.
  3. Proc, ecclés., Conf. de Gilles, p. LVII.
  4. Pouzauges, dit deux fois le Procès ecclésiastique ; Tiffauges, dit une fois le Procès civil. Nous avons pris le nom de Tiffauges sur la foi de Gilles lui-même, d’autant plus qu’il ne résida que très rarement à Pouzauges.