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SACRIFICES HUMAINS.

malins étaient créés d’une matière plus noble que la Bienheureuse Vierge Marie[1] ».

Tous ces récits de Prélati, et plus encore les coups dont il avait été la victime, prouvaient à Gilles de Rais, plus qu’il n’était nécessaire, l’existence et le pouvoir réel des démons. Aussi, il n’était rien qu’il ne fît pour se les rendre plus faciles, malgré qu’il ne pouvait obtenir la faveur insigne de les voir et de leur parler. D’ailleurs, autant il était prêt à tout leur donner, autant, ce semble, ils étaient prêts à tout lui demander. Par un caprice inexplicable, ils exigent un jour un acte de charité chrétienne : pour mériter leurs bonnes grâces, Gilles donnera à manger à trois pauvres, à trois grandes fêtes de l’année ; mais le lendemain, le démon lui ordonne d’arracher de son cœur son affection à la sainte Église catholique et à sa chapelle[2]. Le maréchal avait formé un projet qui déplaisait à l’esprit maudit, peut-être celui de revenir à la vertu par un repentir sincère ; le démon lui enjoignit de renoncer à son dessein. D’autres fois enfin, par un dernier excès, celui qui fut homicide dès le commencement, demande qu’on lui apporte les membres d’un petit enfant ; le cœur, la main et le sang doivent lui être offerts en sacrifice[3]. Comme le dit Monstrelet : « Profitant toujours en pis, (il) était venu à la méconnaissance de Dieu, ne lui restant plus faire conscience de rien pour abominable péché que ce fût… Il continua longtemps ainsi, toujours désirant et venant à nul point de aucune perfection, s’aveuglant de plus en plus[4]. » Car il en est ainsi : ces évocations, par certains côtés, sont tellement ridicules qu’il en faudrait rire ; par certains autres aussi, elles sont si terribles qu’il faudrait en pleurer ; le grotesque ne le cède qu’à l’odieux :

  1. Proc. ecclés., de Blanchet, p. LXXXI, LXXXII.
  2. Proc. ecclés., Conf. de Prélati, p. LXXII ; — Proc. civ., fos 406 ro, 400, vo ; Conf. de Gilles.
  3. Proc. civ., fo 397. ro ; Conf. de Gilles.
  4. Monstrelet. I. c.