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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/262

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DOUBLE RÉVOLTE.

sant de l’histoire du xve siècle, la lumière a chassé toutes les ombres : il est certain que le premier auteur qui avait signalé la part prépondérante de l’évêque de Nantes dans ce procès mémorable, l’avait fait à la clarté de pièces originales, authentiques[1]. Michelet lui-même l’avait répété sur la foi de ses devanciers : « Le duc de Bretagne se trouvait à Nantes ; l’évêque, qui était son cousin et son chancelier, s’enhardit par sa présence à procéder contre un grand seigneur du voisinage, singulièrement redouté, un Rais de la maison des Laval, qui étaient eux-mêmes des Montforts, de la lignée des ducs de Bretagne. Telle était la terreur qu’inspirait ce nom, que, depuis quatorze ans, personne n’avait osé parler[2] » Nous verrons plus tard qu’il y a quelques restrictions à faire sur cet encouragement, que la présence de Jean V, à Nantes, apporta à l’évêque : il nous suffit de remarquer ici que les preuves de l’intervention et de l’initiative de Jean de Malestroit, évêque de Nantes, se trouvent aux premières pages de la Procédure ecclésiastique contre Gilles de Rais.

On sait combien l’Église catholique a été, en tout temps, gardienne jalouse de ses privilèges : c’est son droit, comme c’est le droit de toute société de se faire respecter ; nul ne saurait lui en faire un crime. Au moyen âge surtout, où elle était l’autorité la plus haute et où elle exerçait sur les individus et sur les peuples un pouvoir incontesté et presque souverain[3], elle s’était entourée de foudres et de menaces ; nul ne pouvait porter impunément la main sur elle, non plus qu’autrefois les Juifs d’une autre tribu que de celle de Lévi sur l’arche sainte. L’arche nouvelle, en effet, portait dans ses flancs, vers l’avenir, la civilisation et le progrès ; étendre sur elle une main coupable, c’était mettre du même coup le progrès et la civilisation du monde en danger ; et parce qu’il s’est rencontré, dans la suite, des hommes assez audacieux

  1. Proc. civ., p. i, ii, iii, iv.
  2. Hist. de France, t. V, p. 208.
  3. Leroy-Beaulieu, Revue des Deux-Mondes, 15 août 1884, P. 766.