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SON ARRESTATION.

Tel fut le mandat d’arrêt lancé contre Gilles. On remarquera que, parmi les griefs énoncés contre lui, il n’est jamais question de la violation des immunités ecclésiastiques, et que, dans une cause de foi, se trouvent en première ligne des crimes de droit commun, dont la juridiction ducale aurait dû se saisir, aussi bien ou mieux que la justice ecclésiastique ; preuve évidente, — s’il faut en croire du moins les deux seuls documents qui nous restent de l’enquête secrète et qui la résument, — preuve évidente que l’attentat de Saint-Étienne-de-Mer-Morte fut l’occasion d’informer contre le maréchal de Rais, mais n’entra pour rien, ou pour peu de chose, soit dans les premières dépositions des témoins, soit dans les plaintes du peuple. Parmi les motifs qui amenèrent, en effet, l’arrestation du maréchal, le sacrilège de Saint-Étienne-de-Mer-Morte n’apparaît jamais ; et, quand il fut jugé, ce motif fut regardé comme secondaire et placé, comme à l’arrière-plan des motifs invoqués, dans l’acte d’accusation et dans le jugement définitif prononcé contre les coupables.

Ainsi, du 30 juillet au 13 septembre, Jean de Malestroit n’avait pas ralenti ses poursuites. Convaincu, par l’abondance et l’évidence des preuves, que Gilles était vraiment coupable, il avait en même temps usé de tout son pouvoir auprès du duc de Bretagne pour l’amener à procéder contre le baron, son vassal, qu’on regardait encore comme le lieutenant général de son duché, et, malgré les derniers outrages, comme son ami ; il avait porté jusqu’aux oreilles du prince le cri des peuples ; lui-même avait parlé hautement au nom de la justice et de la faiblesse outragées ; autant par impossibilité de faire la sourde oreille aux lamentations de ses sujets, que par un secret espoir de garder définitivement dans ses mains tant de riches débris de la fortune de Gilles de Rais, dont il avait été le principal acquéreur, mais que celui-ci pouvait encore racheter, Jean V se rendit aux prières de l’évêque. Il marcha à sa suite, alors qu’il devait, ce semble, le précéder ; peut-être n’était-il pas fâché, en agis-