Aller au contenu

Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
256
GILLES DE RAIS.

avec des égards particuliers : on lui assigna pour prison, dans le château de la Tour-Neuve, une chambre haute, où l’air et la lumière entraient librement. Il y resta pendant plus d’un mois entier que durèrent les débats. C’est là qu’il prenait ses repas et son sommeil ; c’est là aussi qu’il fit ses premiers aveux devant l’évêque de Saint-Brieuc et Pierre de l’Hospital, président de Bretagne, délégués à cet effet par l’évêque de Nantes et par le vice-inquisiteur.

Cette chambre ne ressemblait nullement à la sombre prison de la tour Mercœur, ou furent, dit-on, enfermés Gilles de Rais, surnommé Barbe-Bleue, et, après lui, le duc de Mercœur et l’homonyme du maréchal, le fameux cardinal de Retz ; car un mot indique suffisamment que cette chambre était en rapport avec l’illustre personnage qui l’habitait : condecenti. Elle était élevée ; car, pour se rendre de cette chambre dans la salle où attendent les juges, l’évêque de Saint-Brieuc et le président de Bretagne sont obligés de descendre. Or, la tour Mercœur n’avait pas d’étage. Située au nord-ouest du château, elle était baignée autrefois par les eaux de la Loire ; des deux larges fenêtres qui l’éclairaient aujourd’hui l’une est murée ; la croix traditionnelle, qui en partage l’ouverture, est réunie aux murs des deux côtés par d’énormes grilles de fer ; l’entrée en est défendue par une porte également de fer ; la salle, spacieuse et sombre, recourbe sur la tête en voûte inébranlable de granit, aux nervures puissantes : rien n’autorise donc sur ce point les dires des biographes, des dictionnaires et des romanciers ; et s’il y a quelque fondement à la tradition populaire, on ne peut le rencontrer nulle part : tout au plus pourrait on admettre que Gilles de Rais, jugé et reconnu coupable, y fut renfermé l’espace d’une nuit, entre sa condamnation et sa mort, au retour du Bouffay, où fut rendue la sentence qui le livrait aux flammes du bûcher. Il est vrai que rien ne s’oppose à cette supposition ; et l’histoire laisse un libre champ à l’imagination sur un sujet, qui n’offre d’ailleurs d’intérêt qu’aux visiteurs du château de la Tour-Neuve de Nantes.