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SON REPENTIR.

ment vers Dieu ; et, si souillée qu’elle avait été par la fange, quelque chose de sa beauté originelle reparut dans ses traits. L’histoire nous l’a montrée, telle que l’avaient faite le crime et la débauche ; l’histoire lui doit aussi cette justice de la faire voir maintenant, telle qu’elle apparut, aux derniers jours de la vie mortelle, devant Dieu et devant les hommes : devant Dieu, assez repentante pour faire croire qu’elle obtint de lui miséricorde et pardon ; devant les hommes, assez soumise au malheur et à la justice pour mériter qu’ils mêlassent la pitié à la haine, à la vengeance la prière.

Le samedi, 22 octobre, avait été fixé pour la prochaine audience. L’évêque de Nantes et le vice-inquisiteur savaient ce qui s’était passé dans la chambre du maréchal : ils ouvrirent la séance en offrant à Gilles de se défendre contre ce qui avait été fait dans le procès ; le maréchal leur répondit qu’il n’avait rien à dire. Puis, tout à coup, sans nulle contrainte, sans provocation d’aucune sorte, son visage se décompose ; la douleur se peint sur tous ses traits ; l’amertume de son âme s’y reflète ; d’abondantes larmes coulent de ses yeux ; il s’écrie que tout ce qu’il a confessé la veille dans sa chambre, en présence de Pierre de l’Hospital et de l’évêque de Saint-Brieuc, tout ce qui est contenu dans les divers articles de l’accusation, est l’expression de la pure vérité ; il demande même qu’on lui donne lecture des aveux qu’il a faits la veille ; car il veut les compléter et corriger au besoin les erreurs qui ont pu s’y glisser ; puis, sans même attendre cette lecture, il pousse plus avant que jamais dans la voie des aveux et confesse avec larmes qu’il a commis, depuis sa jeunesse, contre Dieu et contre le Décalogue, plusieurs crimes plus grands, plus énormes encore que ceux dont on l’accuse. À ces révélations, la foule émue et curieuse, s’agite autour de lui : une horreur profonde s’est emparée de toutes les âmes ; mais l’émotion redouble encore quand le maréchal s’écrie : « Si j’ai tant offensé Dieu, mon Sauveur, je le dois, hélas ! à la mauvaise direction que j’ai reçue dans ma jeunesse : j’allais, les rênes sur le cou, au gré de tous mes