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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/359

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GILLES DE RAIS.

nombre de grands seigneurs et autres nobles hommes, tant séculiers que clercs[1] », se mit à deux genoux, les mains jointes et priant Dieu de lui faire miséricorde : « Seigneur, dit-il, ne me punissez pas selon mes crimes ; mais, puisque vous êtes miséricordieux, daignez m’accorder mon pardon, vous, en la miséricorde duquel je mets ma confiance. » Puis s’adressant au peuple qui l’entourait : « Je suis votre frère chrétien, dit-il aux spectateurs ; ô vous tous qui êtes présents ! ô vous surtout dont j’ai fait mourir les enfants ! par la Passion de Notre-Seigneur, je vous en supplie, priez Dieu pour moi ; de bon cœur pardonnez-moi le mal que je vous ai fait, ainsi que vous désirez vous-mêmes de Dieu merci et pardon. » Ensuite il s’adressa « à Monseigneur Saint Jacques, en qui toujours il avait eu sa singulière affection, et se recommanda enfin à saint Michel, — (Jeanne d’Arc l’invoquait aussi sur le bûcher de Rouen) — le suppliant qu’à cette heure et dans une telle nécessité, ils voulussent bien le secourir, l’aider et prier Dieu pour lui, bien qu’il ne leur eût pas obéi comme il le devait : « Quand mon âme sortira de mon corps, dit-il à saint-Michel, en se souvenant d’une prière de l’office des morts et des prières de l’agonie, daignez la recevoir et la présenter devant Dieu ; et vous, Seigneur, encore une fois, prenez-la dans votre miséricorde, sans la punir selon ses fautes. » Et en même temps, Gilles disait de belles oraisons et faisait d’autres belles prières à Dieu, en lui recommandant son âme. Rien n’apparaît plus en lui de l’homme déchu : le relèvement moral est achevé ; il ne lui reste plus qu’à monter sur le bûcher : le feu va compléter la purification. Comme il l’avait dit, afin de montrer le bon exemple à ses serviteurs, il s’avança pour mourir le premier : avec l’exemple de bien mourir qu’il voulait leur donner, il y avait un motif de désespoir qu’il voulait leur enlever : il craignait qu’en mourant après eux, ils ne vinssent à penser qu’il avait été grâcié à cause de son nom et de sa naissance, et qu’ils ne tombassent dans le désespoir.

  1. Monstrelet.