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Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/409

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GILLES DE RAIS, BARBE-BLEUE

confie à la mémoire des enfants, qui plus tard devient la mémoire des vieillards, le passé et l’avenir. Donc, à n’en pas douter, ce petit conte ira loin dans les âges futurs.

Mais ne pourrait-on pas découvrir s’il vient de loin dans le passé ? pourrait-on savoir si le terrible personnage a vécu ? s’il est mort il y a longtemps ? s’il existe encore des traces de ses châteaux et de ses pas parmi les populations effrayées ? Car, il faut bien le reconnaître, Perrault ne l’a pas créé de toutes pièces et il l’a même singulièrement embelli par les mœurs du xviie siècle. Il n’y a pas jusqu’au dramatique dialogue de sœur Anne et de la malheureuse épouse de Barbe-Bleue qu’il n’ait arrangé à sa manière, si l’on en juge par la variante que l’on se transmet de père en fils, dans les campagnes vendéennes, et si cette variante a son origine au delà du xviie siècle.

« Il faut mourir, et sur l’heure, dit Barbe-Bleue. » — « S’il me faut mourir, dit la pauvre femme, laissez-moi, je vous prie, monter à ma chambre, où sont mes habits de noces ; car je vous demande comme une grâce dernière de les revêtir encore une fois et de mourir ainsi parée. » — « Va, dit Barbe-Bleue ; mais presse-toi, car je n’ai pas le temps d’attendre. » La pauvre femme, plus morte que vive, monta dans sa chambre. Aussitôt elle dit à sa sœur Anne, qui s’y trouvait : « Monte vite sur le haut de la tour et dis-moi si mes frères n’arrivent pas. » Sœur Anne monta rapidement. — « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » — « Hélas ! non, je ne vois que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie. » Cependant Barbe-Bleue criait d’en bas à sa femme : « Descendras-tu, ou je monte là-haut ! » — « Mon mari, j’ai encore mon collier de perles à mettre à mon cou ! » — « Presse-toi ! car je n’ai pas de temps à perdre, répondait Barbe-Bleue. » Puis sa femme répétait d’une voix plus pressante : « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » — « Je ne vois que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie. » — « Descendras-tu, ou je monte là-haut ! criait Barbe-Bleue. » — « Mon mari, j’ai encore deux bracelets d’or à mettre à mes bras. » — « Presse-