Aller au contenu

Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/599

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
cxlvi
LETTRES DE GRÂCE.

a ce qu’il fut en aage de homme, et par long temps fut avecques lui en nostre service ou fait de la guerre a l’encontre de nosdiz ennemys, lequel nostre service il a depuis toujours frequanté, fait chascun jour, a son povoir, et espere faire de bien en mieulx ou temps a venir : pendant et durant lequel temps qu’il fut et se tint ou service dudit sire de Rays, qui l’avoit ainsi nourry, icellui sire de Rays, auquel, a l’occasion de sadite nourriture, lui convenoit estre subgiect et obeissant sans l’oser desdire ne contrarier de sa voulenté en nulle maniere, mesmement qu’il estoit lors jeune escuier de petit entendement, le contraigny et le charga a lui administrer et envoyer a ses places plusieurs enfans, lesquelz, et autres qu’il povoit avoir et recouvrer, il faisoit deffaire, occire et murdrir, cuidant parvenir a aucune mauvaistié et dampnables choses, par lui emprises, ainsi qu’il congneut et confessa comme l’en dit. Desquelles choses et omicides desdits enfans ne savoit riens ledit suppliant lors, mais bien en fist apres doubte, et par ce incontinant delaissa la compaignie et service d’icellui sire de Rayz, lequel, cinq ans[1] ou environ apres qu’il eut ainsi delaissié, fut lui et autres ses complices pris et pugniz par justice pour lesdiz cas. Et, ainsi que ledit suppliant a entendu, fut par eulx aucunement chargés et dit avoir esté participant d’iceulx malefices en administrant, comme dit est, partie desdiz enfans ainsi occiz et murdriz ou autrement. À l’occasion desquels cas et malefices, dont a ceste cause il pourroit estre ou avoir esté chargié, ledit suppliant doubte requerir de justice lui estre rigoureuse et que, a ceste cause, le temps a venir, on lui voulsist mectre ou donner aucun empeschement en corps ou en biens, si nostre grace ne lui estoit sur ce impartie, si comme il dit. En nous humblement requerant que, actendu l’ostel dont il est yssu, qui oncques n’eut vilain reprouche ; que lui et les siens, a l’occasion de noz guerres et service, ont relenquy et deguerpi leurs terres, biens et possessions et depuis vescu povrement ; les peines et neccessitez qu’ilz ont eues en nostredit service ; que ledit suppliant estoit serviteur et parent dudit sire de Rays qui l’avoit nourry longtemps, par quoy il estoit craintif de sa desobeissance ; la jeunesse en laquelle lors il estoit, et que ledit suppliant d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche ne fut jamais actaint ou convaincu d’aucun : plaise icelle nostre grace lui impartir. Pour quoy, nous, ce consideré, voulans misericorde preferer a

  1. Toutes ces affirmations sont inexactes. Roger de Briqueville ne quitta Gilles de Rais qu’au dernier moment et se sauva avec G. de Sillé. Mais on voit qu’en France, six ans plus tard, il vivait encore dans des transes continuelles.